Une nuit un peu difficile et un trajet agréable et rêveur m'ont donné envie de raconter cette anecdote à la manière de Raymond Queneau dans ses célèbres exercices de style.
Narrateur - Arno, personnage principal
Comme chaque matin, après une nuit trop courte et un réveil difficile, Arno se presse d'arriver à la gare pour prendre le train qui le conduira à son travail. Malgré le froid glacial et la bise cinglante, l'attente sur le quai n'est pas désagréable, bien au contraire. Arno met à profit les quelques minutes précédant l'arrivée du train pour apprécier le charme discret d'une jeune femme élégante. Sous un épais duffle-coat, on devine un tailleur anthracite d'une troublante sobriété réhaussé d'un foulard aux teintes bordeaux. Des escarpins à brides et une paire de bas allongent la silhouette de cette ensorceleuse.
Le train arrive enfin. Des personnes en descendent, d'autres s'y engouffrent. Sans tarder Arno se retrouve en face de cette délicieuse personne qu'il n'a pas quitter des yeux. Avec ses longs cheveux noirs, son visage de porcelaine et ses lèvres rubis, elle lui rappelle étrangement celle qui ruisselle dans ses pensées et inonde son esprit, celle qu'il a croisée au cours de cette nuit aux confins de l'immense toile, celle qui l'a capturé dans son arantèle d'où il réussit à se défaire à l'aube naissante.
Voulant chasser ces sombres mais savoureuses pensées, Arno se plonge alors dans la lecture de son journal. Mais son humeur chimérique et sa nonchalance béate le poussent à relever tête pour, délicatement, se réjouir des attraits engageants de sa voisine et comprendre que la vie, réelle et source de plaisir, se trouve ici, autour de lui et non pas derrière un écran. Déjà, elle se lève, enfile son manteau épais et se dirige vers la sortie. Le train est arrivé. Arno n'a pas osé. Acte manqué.
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Narratrice - Elle, personnage principal (Remplacer elle par un prénom féminin)
Levée très tôt après une nuit agitée, Elle angoisse de n'être pas suffisemment préparée pour la réunion qu'elle doit animer aujourd'hui et dont son avenir professionnel dépend. Elle choisit une tenue stricte et élégante et s'autorise la seule fantaisie d'un carré de soie aux tonalités rouges. Avant de se rendre à la gare, Elle se maquille avec goût et simplicité et décide de laisser sa longue chevelure noire libre et désinvolte. Désormais, sur le quai de la gare à se rémomorer les idées force de son discours, elle néglige la froideur hivernale et regarde avec détachement le jeune homme qui l'observe.
Le train arrive enfin. Elle se fait bousculer par les sauvages qui en descendent et ceux qui s'y engouffrent, tous pressés de gagner rapidement un endroit chauffé. Elle assiste avec malice et expérience à l'installation sur le fauteuil qui lui fait face de celui qui n'a de cesse de la regarder à en devenir insolent. Elle l'imagine passer ses nuits sur Internet à importuner celles qui s'y trouvent pour revivre, ensuite, ses voyages virtuels en la dévorant des yeux. Elle l'imagine incapable d'inviter une jeune femme de vive voix mais, comme nombre de personnes, existant au travers du clone qu'il s'est inventé.
Elle fait mine d'ignorer le regard de cet homme qui transperce le journal qu'il feint de lire mais, malgré son insistance mal dissimulée, Elle lui trouve de l'élégance et de la naïveté. Le trajet arrive déjà à son terme et elle hésite alors à lui offrir un sourire. L'inquiétude et l'angoisse l'envahissent à nouveau et Elle n'ose pas ... Elle n'ose plus ... les pensées trop concrètes désormais.
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